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Les États généraux du film documentaire 2012 Fragment d'une œuvre : Bogdan Dziworski

Fragment d'une œuvre : Bogdan Dziworski


Bodgan Dziworski (Łódź, 1941) est une figure importante du documentaire polonais. Dans ses films, les paysages, les gestes humains, les sons sont métamorphosés par un style d'une grande puissance expressive ainsi que par un rythme organique de montage. Cinéaste prestigieux ayant travaillé avec les grands maîtres du cinéma polonais, photographe de renommée mondiale, Bodgan Dziworski a construit une filmographie unique à travers sa recherche visuelle et son usage novateur du son. En poussant la réalité à ses limites extrêmes, le documentaire se transforme alors en poésie et en magie visionnaire. Pour Bodgan Dziworski le réel est toujours mystérieux : tel un détective de l'invisible, le cinéaste part sur les traces d'un fantôme, ou encore tel un chaman, il guette les présences disparues. La caméra explore des espaces vides comme un témoin muet, nous plongeant dans une atmosphère enchanteresse : la beauté et la force étonnantes des images ainsi que l'absence totale de dialogues nous font pénétrer progressivement cet univers surréel dont les clefs semblent avoir été perdues. Mais Bogdan Dziworski aime aussi profondément les gens : nombreux sont ses documentaires consacrés au sport ou aux athlètes. Il choisit de ne pas filmer les sportifs comme des héros mais comme des gens ordinaires : il a toujours une attention affectueuse et respectueuse pour les gestes, pour la force humaine. La caméra se positionne derrière eux pour nous permettre de percevoir leurs prouesses physiques, leurs muscles se tordant dans des efforts incroyables. Le paysage sonore est composé de halètements amplifiés, de bruits de nage, de pas de course, des frottements métalliques des combats d'escrime et du chuintement des skis dans la neige. L'objectif n'est pas de glorifier les concours sportifs, mais de méditer sur la vanité de l'effort et de comprendre à quel point les victoires sont éphémères ; en conséquence Bogdan Dziworski adopte un regard tendrement sceptique et ironique sur les êtres humains. C'est un humaniste, il aime et montre la fragilité de l'humanité : il se sert de la comédie comme d'un outil formidable pour enrichir sa position philosophique. Il y a aussi un aspect burlesque, surprenant et très drôle dans les films de Bogdan Dziworski : de manière étonnante, il utilise de vieux artifices comme par exemple le montage d'images au ralenti ou à l'envers, et introduit ainsi une dimension de comédie slapstick dans le cinéma documentaire. Et dans le même temps, nous percevons les efforts de l'être humain, nous réfléchissons aux problèmes philosophiques et nous rions ! Mais Bogdan Dziworski est aussi un homme de son temps : dans certains de ses films, il s'intéresse à l'héritage historique et aux problèmes de la société moderne. La comparaison entre les splendeurs du passé et la décrépitude du présent cache une critique subtile mais aiguë du régime soviétique et de sa terne conformité : la caméra tente de capter la richesse douloureuse de l'histoire polonaise dans un présent construit sur un système faussement égalitaire. Le seul moyen pour apporter un peu d'espoir à l'humanité est une éthique altruiste. Comme en témoignent parfaitement ses deux films sur le cirque qui montrent les artistes à la fois comme des individus au travail et des membres d'une communauté solidaire. Pour ces gens, l'art n'est pas un mot clef ésotérique mais une tâche quotidienne : l'art surgit directement d'une observation constante et parfois douloureuse du monde. Chaque film de Bogdan Dziworski est une œuvre qui réfléchit sur elle-même : les images puissantes, les sons amplifiés, le montage inhabituel nous poussent, en tant que spectateurs, à penser l'artifice du film documentaire et de l'acte de création en tant que tel. Comme tous les plus grands documentaristes modernes, Bogdan Dziworski conçoit la fabrication d'un film comme une œuvre d'art qui montre en même temps le réel, son miroir et un regard critique sur l'ensemble du processus.

Federico Rossin

Débats animés par Federico Rossin.