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Les États généraux du film documentaire 2006 Fragment d'une œuvre : Benoît Jacquot

Fragment d'une œuvre : Benoît Jacquot


Exigeant, prolifique, éclectique, tous ces qualificatifs peuvent s’appliquer au cinéma de Benoît Jacquot.

Quarante-cinq films en trente ans, documentaires et fictions, films de théâtre et d’opéra, pour la télévision comme pour le cinéma ; une diversité et une abondance qui constituent une œuvre impressionnante et atypique, toujours empreinte du même souci de renouveler les formes et les écritures cinématographiques.

Exigence également sur les contenus : dès l’origine avec le film consacré à Jacques Lacan réalisé en 1974 au service de la Recherche de l’ORTF, une gageure devenue un incunable que seule une relation d’amicale connivence intellectuelle a pu permettre.

Tout le parcours de Benoît Jacquot est jalonné de telles rencontres. Nous n’en évoquerons que quelques-unes, fruit d’un long et heureux compagnonnage avec l’Ina.

Éveillé au cinéma avec la Nouvelle Vague, sensible aux influences de Lang, Hawks, Grémillon, Cocteau…, il entre dans le métier comme assistant de Marguerite Duras ; là vont pouvoir s’épanouir ses deux passions, le cinéma et la littérature. De là est née une amitié quasi filiale si joliment exprimée dans La Mort du jeune aviateur anglais où Benoît Jacquot rend à Marguerite Duras, en la filmant, le cadeau qu’elle lui avait fait en lui offrant un sujet fort. Pour le spectateur, ce film inédit est une occasion unique d’approcher, à travers le récit que construit peu à peu Marguerite Duras, le mystère d’un créateur en action et d’une création qui s’élabore.

Benoît Jacquot appartient à la famille des cinéastes littéraires. Nombre de ses longs métrages sont des adaptations, souvent libres, d’auteurs qu’il affectionne : Dostoïevski pour L’Assassin musicien, son premier long métrage, Henry James pour Les Ailes de la colombe… Louis-René des Forêts, écrivain rare et discret auquel il a consacré un documentaire, parallèlement à son adaptation des Mendiants.

Si l’univers quelquefois qualifié de bressonnien est constant dans son originalité, si la caméra est toujours précise et sage, la mise en scène est chaque fois différente pour appréhender au mieux la singularité de l’écriture : dialogue d’écrivains entre Louis-René des Forêts et Jean-Benoît Puech, échanges passionnés d’adolescents fascinés par Salinger et son Attrape-cœur.

Au-delà de la littérature, Benoît Jacquot a une inépuisable curiosité pour les arts et il utilise son cinéma pour les magnifier. Les rencontres avec les artistes auxquelles il nous convie ne sont pas des hasards. Elles sont des rendez-vous intimes dans les lieux les plus justes pour accéder à une compréhension de leur pratique et de leur art : Alfred Deller dans son environnement quotidien pour balayer les risques d’anecdotes que l’étrangeté de la voix de haute-contre pourrait provoquer, les moines bouddhistes dans leur espace sacré, Merce Cunningham et Robert Motherwell au cœur de New York dans leurs ateliers.

Le travail de Benoît Jacquot fait une grande place aux acteurs ; il aime les comédiens. C’est évident dans ses fictions qui sont, comme le dit Isabelle Huppert avec qui il a beaucoup tourné, des documentaires autour de l’acteur ; c’est vrai aussi dans ses films de théâtre où il a remarquablement restitué l’esprit des mises en scène originelles.

Elvire Jouvet 40, film né d’une collaboration complice avec Brigitte Jaques, a largement contribué à faire des films de théâtre un genre à part entière, il a influé par ailleurs sur la conception de Benoît Jacquot de ses propres mises en scène.

La Place Royale, comédie de Corneille filmée sur la scène et dans les coulisses du théâtre de la Commune d’Aubervilliers, illustre encore plus clairement l’attitude de documentariste que revendique Jacquot devant une création artistique qui préexiste à son regard.

Le film, emblématique d’une démarche, de cette osmose du théâtre et du cinéma que nous avons voulue avec Brigitte Jaques et Benoît, trouve également sa logique formelle dans ce qui s’y joue, l’histoire de jeunes gens pris au piège de la passion amoureuse, se heurtant à des questions existentielles posées à chaque génération, celle de Corneille comme de la nôtre. Un clin d’œil à Corneille dont on semble avoir oublié dans notre siècle des commémorations le quatrième centenaire de la naissance.


Claude Guisard


Invités : Programmation élaborée en partenariat avec l'Ina.
Débat en présence de Benoît Jacquot lundi 21 août.