Le Fantôme de Spandau
Idriss Gabel, Marie Calvas
2019 - 73 min - Video Full HD - Couleur et Noir & Blanc - Belgique

Peut-on donner de l’amour à une personne responsable de millions de morts, à un des pires criminels de l’Histoire ? Moins connu que Goebbels et Goering, Rudolf Hess fut pourtant un idéologue et dignitaire nazi tout aussi influent.
Il fut l’ami et le confident intime d’Hitler qui en fit son premier dauphin jusqu’à l’entrée en guerre de l’Allemagne où il devint le second dauphin derrière Goering. On se souvient surtout de son vol mystérieux vers la Grande-Bretagne en 1941 dans le but de signer avec Churchill des accords de paix et ceci seulement quelques semaines avant l’invasion nazie de l’Union Soviétique.
S’écrasant sur le sol écossais il fut immédiatement arrêté et, sa mission ayant échoué, il resta emprisonné en Angleterre jusqu'à la fin de la guerre. Jugé et condamné à perpétuité au procès de Nuremberg, Rudolf Hess passa le reste de sa vie dans la prison interalliée de Spandau à Berlin, un bâtiment d’abord construit pour 600 détenus et qui n’abritera plus que lui, ce qui lui valut le surnom de "prisonnier le plus cher du monde".
Il y battra aussi un autre record en démocratie : celui du prisonnier le plus vieux du monde en y mourant à 93 ans après 46 ans de détention à l’isolement. Mon grand-père, Charles Gabel, aumônier militaire fut son pasteur pendant les dix dernières années de sa vie. Il fut le seul autorisé à l’approcher en dehors du parloir et passa plus de temps avec lui que n’importe quel membre de la propre famille de Hess, qui ne pouvait le voir qu’une heure par mois et sous surveillance étroite des gardiens.
Cette relation entre un homme de foi et un nazi, une des plus terrifiantes figures de notre Histoire, a généré chez moi une foule de questions : Comment mon grand-père avait-il pu gagner la confiance de cet homme et créer ce qui s’apparente à une amitié ? Avait-il pu recueillir les confidences et peut-être les remords du détenu ? Qu’avait pu ressentir ce criminel face à son châtiment et, au fil des années, avait-il pris conscience des horreurs du régime nazi ?
Je voulais aussi comprendre l’aumônerie. Que peut-on éprouver envers un de ces "bourreaux" alors que l’on est en charge de l’aider et de lui accorder le pardon ? On peut se demander si les versions officielles ou historiques peuvent être battues en brèche par le témoignage d’un modeste pasteur. Je l’ignore. Mais le récit exclusif de mon grand-père, de ce qu’il a vécu entre les murs de Spandau, projette une réalité bien différente de celle conservée dans les manuels d’histoire.
Au cœur de cette relation inattendue, ce film ouvre la réflexion sur les leçons que l’on peut tirer face à cette plongée dans l’intimité parfois dérangeante d’un des monstres, d’une des chimères de notre ère.