
Laurie Lassalle
2021 - 107 min - Vidéo Full HD - Couleur - France
Le film est né au cœur du mouvement des gilets jaunes le 1er décembre 2018 lors des premières émeutes à Paris. Depuis ce jour, j’ai filmé chaque samedi les manifestations, la plupart du temps avec Pierrot. Chaque samedi, nous nous retrouvons et une évidence me prend : il faut filmer, quelque chose arrive, c’est un évènement important. Je dois capter ce qu’il se passe.
Soudain, à Paris où je vis, des gens de la France entière viennent dire leur colère, leur tristesse, leur désarroi. Soudain, ils veulent parler. La caméra se fait le réceptacle de leur parole refoulée dans l’espace médiatique jusque-là. J’écoute leurs cris, leurs joies, leurs contradictions. Je trouve rapidement un dispositif simple pour fabriquer des portraits en mouvement au sein des manifestations.
Au cœur de l’action, la parole est constamment entrecoupée et recouverte par le son des grenades, des charges, des tirs de lacrymos, de l'hélicoptère. Mais aussi par le son des chants, des musiques et les cris des autres manifestants. Comme ironise l’un d’eux, un jeune pâtissier : "Bravo Manu, personne l’a jamais fait, ça ! L’extrême gauche et l’extrême droite réunis derrière la même colère ! C’est du jamais vu. (…) s’il y a un mec du FN par terre, je le relève et je suis un arabe, hein !".
Ce que je recueille, ce ne sont pas des positions de gauche ou de droite, c’est la colère sourde de gens qui ne veulent plus "survivre" mais "vivre décemment", comme le dit David, père de deux enfants. Et le jeune pâtissier de reprendre : "La jeunesse, il n’y en a plus. On naît, on est déjà mort !"
Mon tournage se concentre dans un second temps sur l’action, les émeutes, les corps à corps. La colère des gilets jaunes les plus radicaux s’exprime dans le déboulonnage d’un poteau, dans les barricades, dans les voitures de luxe incendiées, dans ces beaux quartiers au paysage urbain dévasté par ce qu’il faut bien appeler des émeutes insurrectionnelles.
La troisième trame est celle de mon histoire d’amour avec Pierrot, intime et parfois heurtée, qui mêle l’intime au politique et s’incarne par ma voix off. Au fil des rencontres, l’amour se confond avec la frénésie, la joie d’être ensemble, de partager un moment. À travers les portraits de gilets jaunes, ce sont mes propres motivations que j’interroge : amour ou engagement ? Comment démêler les deux ? Ainsi, j’expérimente mon désir dans la confusion de mes sentiments au sein de mon engagement politique. ?
Le récit tisse ces trois temps : l’histoire d’amour autour d’une tentative d’amour libre, les portraits et rencontres avec les gilets jaunes souvent en discussion avec Pierrot, fil rouge du récit, et enfin les séquences d’action, de mouvements, de violences et de blessures. Un coup de flashball frappe le tibia de Pierrot dès les premiers temps. Sa blessure, constitue un motif récurrent du récit - la blessure de la révolte et celle de l’amour qui mettent un temps fou à cicatriser – qui s’élargit progressivement aux terribles mutilations subies par des manifestants.
Le film explore différentes formes de soulèvements, celui du cœur et celui du peuple, qui veulent s’emparer de la question politique : que pouvons-nous faire ensemble ?
Auteur-Réalisateur : Laurie Lassalle
Image : Laurie Lassalle
Son : Laurie Lassalle
Montage : Raphaël Lefèvre
Musique originale : Philippe Monthaye
Producteur délégué : Les Films de l'œil sauvage