
Jean Vigo
1930 - 23 min - 35 mm - Noir & Blanc - France
Bien qu'"À propos de Nice" soit un film en forme de procès, il procède d'une esthétique rigoureuse et la composition des plans force l'admiration. À sa manière, et bien que muet, le film s'apparente aux symphonies urbaines. Mais le montage satirique souligne le caractère décadent des privilégiés de la Riviera française : derrière les hôtels écrasants avec leur personnel obséquieux, les casinos, les sports de luxe, les vieilles dames flanquées de leurs gigolos, rôde le spectre de la mort.
Jean Vigo, qui entendait s'inscrire dans le courant du documentaire social et reconnaissait sa dette envers Buñuel, définissait sa démarche comme la recherche d'un "point de vue documenté". Il s'évertuait à révéler la raison cachée d'un geste, à extraire la beauté ou l'image caricaturale d'une personne prise à l'improviste. La méthode de tournage consistait à saisir sur le vif les gestes, les actions, les attitudes, les expressions et de s'arrêter de tourner dès que les gens prenaient conscience qu'ils étaient filmés.
Le montage se charge d'analogies ; certains hommes évoquent les crocodiles, la démarche d'une femme suggère celle de l'autruche. Par la seule construction, par le jeu des contrastes, le cimetière, avec ses sculptures prétentieuses, se justapose à la promenade des Anglais, la lancinante répétition des cheminées d'usines rend absurdes les allusions érotiques, par le recours à la distanciation du ralenti, les ébats des jeunes filles qui dansent, apparaissent comme un exercice vain.
Quant il a tourné ce film, Jean Vigo avait vingt-quatre ans, il est mort cinq ans plus tard et sur une aussi courte carrière, il aura réussi, comme il en avait l'ambition, à nous "dessiller les yeux".
Distribution
Distributeur : Gaumont-Pathé Archives
Distributeur non commercial : Images de la culture (CNC)
Diffusion-Consultation : BnF (Bibliothèque nationale de France). Département de l'Audiovisuel