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Les États généraux du film documentaire 2010 Fragment d'une œuvre : Stefano Savona

Fragment d'une œuvre : Stefano Savona


En janvier 2009, le cinéaste sicilien Stefano Savona réussit à pénétrer dans la bande de Gaza, au cours de l’offensive de l’armée israélienne « Plomb Durci ». Passer de l’autre côté, à l’intérieur, est la volonté revendiquée du cinéaste pour contrer le flot des images d’actualités et donner à voir une autre réalité de la guerre, moins spectaculaire mais surtout moins éphémère. Dans les rues de la ville bombardée, il filme le quotidien d’une survie : la récupération des débris dans les décombres, la bousculade pour une aide alimentaire, l’attente et l’errance, y compris la sienne qui lui fait suivre une enfant de la rue, puis rencontrer sa famille d’abord méfiante. Le film progresse au fil des rencontres et des situations d’où émane toute la tension qui règne et qui témoignent de radicalisations désespérées. Dans Carnets d’un combattant kurde, il obtient l'autorisation d’accompagner un mois durant un groupe de combattants qui rejoint la ligne de front. Difficile d’anticiper ce qu’il pourra filmer sous la surveillance de son interprète. Au cours de cette longue marche, la parole se libère — non dans une confidence mais dans une réflexion partagée, entre doutes et convictions, peurs et croyances. Ici encore, aucun affrontement militaire mais le récit en situation, en paroles, d’un combat pour une liberté. En Sicile, il filme de nuit l’arrestation de migrants par les garde-côtes et attend avec eux assis sur le quai, s’attachant aux visages graves de leur incertitude et de leur volonté.
Si le désir manifeste de Stefano Savona est de rendre compte des histoires de résistance des hommes, ce désir a valeur d’engagement quand il le pousse à se risquer là où les hommes luttent, pour leur survie, contre une injustice, pour leur liberté. Autrement dit, là où « La terre tremble », pour reprendre le titre du film de Luchino Visconti qu’il considère comme un de ses films fondateurs. La résonance avec son travail est troublante lorsque l’on prend conscience qu’Antonio, le jeune pêcheur sicilien du film de Luchino Visconti, pourrait aujourd’hui témoigner aux côtés de Giacomo ou de Vito dans L’Orange et l’Huile. Ces vieux siciliens nous content leur histoire, dans des récits extrêmement denses et d’une étonnante précision : leur grande pauvreté dans les années trente puis leurs révoltes, l’occupation des terres ou de la préfecture, et après-guerre, les massacres de villages communistes par les fascistes. Luchino Visconti faisait jouer aux habitants du village d’Acitrezza la révolte des jeunes pêcheurs contre le diktat des grossistes, menée par le rebelle Antonio aux idées communistes. La solidarité tournera court dans la fiction et le nouveau film de Savona, en cours de montage, semble rejouer le même scénario. Un mois passé aux cotés de familles sans-logis occupant le Palais de la mairie de Palerme pour obtenir un logement décent. Dans la promiscuité et l’attente, la solidarité sera mise à rude épreuve : lutte d’une minorité dans la précarité contre un pouvoir cynique…
« Ma peur, disait cette combattante kurde, c’est qu’on m’empêche de m’exprimer, de ne pas avoir la force de résister, […] d’être politiquement morte. » Qu’avons-nous peur de perdre qui nous pousse à nous battre ou bien nous en empêche ? Au travers de cette question, de film en film, c’est une mémoire politique que Stefano Savona construit.

Christophe Postic

Débats à l'issue des projections en présence de Stefano Savona.