L'Autre de l'autre
Fred Périé, Franck Gourdien
2018 - 95 min - Installation caméra - Couleur - France

"L'autre de l'autre" repose sur l'illusion que celui qui parle à l'écran est dans la salle où l’œuvre est projetée. En même temps l'autre nous parle d'un autre autre, qui n'est pas là, lui. Sa parole porte le récit, le virtuel, alors que notre propre image nous ramènerait au supposé réel.
Avec ce dispositif visuel " interactif" pour la salle de cinéma, le public est filmé en direct et se voit aux côtés de témoins qui nous parlent de leurs rapports à l'autre au travers d'histoires personnelles. C'est comme si ces témoins, douze en tout, l'un après l'autre, étaient là et c’est avec ce "comme si" qu’est indirectement évoqué le thème de l'empathie.
Le dispositif s'apparente à un film, parce qu'il a un début et une fin, qu'il suit un montage précis et dure environ 90 minutes, mais c'est aussi un dispositif numérique précisément destiné à la salle de cinéma. En effet, lors du tournage, le témoin est filmé sur fond vert, assis dans un fauteuil de cinéma. Lors de la séance de projection, les spectateurs, eux-mêmes filmés, se voient en miroir à l'écran, mais avec le témoin à leurs côtés, comme si celui-ci était également présent dans la salle. […]
[…] "L'autre de l'autre" est au croisement de divers champs artistiques, le cinéma documentaire, l'art numérique, l'art relationnel... Il n'y a pas d'objet esthétique séparé : le public fait partie de l'œuvre. Les récits sont entrelacés de plans situant le témoin hors du contexte du témoignage et choisis spécialement afin d'apporter à ce dernier un éclairage singulier. Puisqu'il n'y a pas d'action en jeu de la part du public, l'image n'est pas interactive au sens informatique du terme mais elle s'écarte de l'objet-film pour devenir une surface en apparence sensible au présent. Elle tente d'augmenter le lien subjectif entre le personnage filmé et le spectateur/participant.
Ce dernier sera amené à ressentir également de l'empathie sous diverses formes : envers le narrateur, envers la personne en souffrance, envers la personne elle-même en empathie. Le fait que l'image du spectateur soit manifestement manipulée par les auteurs via le système informatique jette néanmoins le doute sur la nature même du médium. C'est aux bords de ces abîmes que nous voudrions nous pencher avec "L'autre de l'autre".