Désir d'une île
Laetitia Farkas
2021 - 80 min - Film 35 mm & vidéo Full HD - Couleur et Noir & Blanc - France

Le camp Orel est un centre de vacances participatif créé il y a plus de 70 ans au bord de l’Atlantique par une famille de Russes blancs, pour élever leur descendance dans la culture du pays perdu. Depuis que je suis née, j’y passe mes vacances, comme ma mère l’a fait, ma grand-mère avant elle et comme mon arrière-grand-mère et sa famille en exil l’ont initié. J’ai grandi sur cette "île", où toute une communauté a pris racine.
C’est un lieu qui m’a construite et protégée et j’ai toujours eu envie d’y faire un film. Mais je ne franchissais pas le pas, comme si c’était un endroit sacré, dans lequel on ne fait pas entrer n’importe qui. Puis j'ai réalisé que ce petit monde était en sursis et allait inéluctablement disparaître. J’ai alors ressenti la nécessité de le dévoiler, de mettre en lumière cette communauté secrète implantée dans ce lieu puissant, suspendu, hors du temps et de l’espace, coupé du monde, cette île.
J’ai voulu raconter ce royaume d’été de l’intérieur, faire ressentir la chaleur des pins et l’épaisseur du brouillard comme les derniers soubresauts, les ultimes flambées d’enfance. En faire une expérience sensible, l’expérience du temps. J’ai passé plusieurs étés au camp Orel à filmer. Je me suis laissée porter par l’endroit, je n’ai regardé que ce qui me touchait et les choses se sont imposées d’elles-mêmes.
J’ai filmé trois personnages au fil d’un été, trois figures emblématiques : un vieux monsieur qui va mourir, un jeune homme qui veut partir et un enfant qui les regarde.
J'ai voulu faire un film non pas juste sur ce qui va disparaître, mais aussi sur ce qui se transmet de façon manifeste ou enfouie, et sur ce qui, malgré tout, survivra. Un film qui parle de la vie qui s’en va. De la difficulté de grandir. Et du territoire de l’enfance. Un film tactile sur un jardin secret qui s’éteint, sur cette île que nous avons tous à l’intérieur de nous.