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Les États généraux du film documentaire 2013 Fragment d'une œuvre : Barbara Meter

Fragment d'une œuvre : Barbara Meter


Il est impossible de définir votre œuvre à la lumière d’analyses simplistes : vous avez toujours travaillé dans une grande liberté personnelle et formelle. Comment procédez-vous, concrètement ?
J’ai étudié dans une école de cinéma, où j’ai commencé à réaliser des courts métrages de fiction un peu absurdes. J’admirais énormément ces génies qui, à l’époque, commençaient tout juste à faire des films : Fellini, Antonioni, Godard, Resnais… Ils réinventaient le langage cinématographique. Mais la découverte de films expérimentaux a influencé toute ma conception du métier de réalisateur. Je me suis débarrassée du producteur, des équipes techniques, de la narration. Des années durant, cette façon de faire m’est apparue comme la seule envisageable. Mais au final, je refuse de dépendre de tous diktats, y compris de ceux qui régissent le cinéma experimental. Je n’ai jamais cessé d’aimer d’autres formes : la fiction, le documentaire. En un mot, c’est bien simple, je ne fais que ce qui me plaît (lorsque les circonstances, c’est-à-dire les financements, me le permettent). J’espère qu’un jour, je parviendrai à trouver une forme où tout se fonde.

Les souvenirs, l’histoire familiale sont les thèmes récurrents qui traversent votre œuvre. De quelle nature est l’urgence créative qui vous a menée à travailler ces sujets en profondeur ?
Je ne considère pas mon passé comme un fardeau – une grande part de ce que je suis en découle. Les moments présents recèlent toujours du passé. Mon histoire familiale représente également une source d’inspiration très riche. Il y a là tant de musiques, de lignes de fuite, de personnes passionnantes, des pans entiers de notre histoire européenne également, qui est à la fois cruelle et splendide. Je me suis contentée de creuser dans cette direction.

Vous avez realisé quelques documentaires. Quelle est, pour vous, la principale différence qui distingue une pure recherche formelle d’un travail guidé par un engagement politique ?
Dans les années soixante-dix, j’ai réalisé des films sous forme de pamphlets, qui reflétaient mon engagement aux côtés de groupes d’action et de mouvements féministes. Même si ces problématiques me tenaient énormément à cœur, je ne me suis jamais sentie tout à fait libre, ce surtout parce que je ne parvenais pas à trouver une forme qui soit cohérente avec le sujet abordé.

Dans la plupart de vos films, vous attirez l’attention du spectateur sur le caractère éphémère de votre medium. En même temps, vos œuvres sont très personnelles, poétiques. Rien à voir avec la froideur structurelle.
Les fondateurs du cinéma structurel, notamment Paul Sharits, Malcolm le Grice, Hollis Frampton, m’ont permis de prendre vraiment conscience des aspects matériels de l’objet film et des procédés pour les souligner, comme le peintre avec son coup de pinceau par exemple. Grâce à eux, j’ai compris à quel point la composition du plan était importante. Pour moi, leur travail n’est pas froid, j’aime beaucoup le rythme, la musicalité qui s’en dégage, ce qui se passe derrière chaque cadrage, cette façon d’aborder les autres royaumes de la vie comme la science, la nature de la perception… Leur démarche me touche infiniment mais mon esprit fonctionne tout à fait différemment. Je pense néanmoins qu’ils ont trouvé le moyen de se frayer un chemin dans ma nature romantique. Le résultat de ce mélange, vous y assistez dans mes films.

La plupart sont empreints d’une grande mélancolie. Certains ressemblent à des rêves, comme si vous mettiez en images un pays qu’on a quitté, une famille dont on fait le deuil, un amour perdu. Le cinéma peut-il nous aider à tisser de nouveaux liens avec des facettes très enfouies de nous-mêmes ?
Je crois que toute forme d’art en est capable pour peu que l’on y soit disposé. Mais si tel est le cas, le phénomène se serait produit de toute façon, œuvre ou pas. Tout ce que je sais, c’est que l’art, sous toutes ses formes, m’a endurcie et permis de repousser les limites de mon identité.

Contrairement à certains de vos contemporains réalisateurs des années soixante et soixante-dix, vous faites toujours des films. Que pensez-vous de la vidéo, aujourd’hui ?
Sauf quand je tourne en 8 mm, auquel cas je dois de toute façon numériser mes images, je choisis maintenant la vidéo. J’ai cherché pendant des années avant de trouver un format avec lequel je me sente à l’aise. La dernière fois que j’ai utilisé la pellicule, c’était pour A Touch, en 2008. Je n’avais pas pu me servir de la tireuse optique à cause de mes problèmes de vue, j’ai donc commencé à manipuler la vidéo. C'est seulement aujourd'hui, avec le film sur lequel je travaille actuellement, que je commence à sentir que la vidéo pourrait m’aider à approcher ce vers quoi je tends réellement. Cela dit, je suis toujours nostalgique de la pellicule. Mais c’est devenu un outil bien trop cher et malcommode.

Entretien de Barbara Meter réalisé par Federico Rossin.


Présentation et débats par Federico Rossin.