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Les États généraux du film documentaire 2011 Journée Scam

Journée Scam


Dos au mur.

Depuis maintenant plus de dix-huit ans, la Scam s’est fait un devoir d’aider les auteurs à donner vie à leurs projets, à donner un prolongement à leurs désirs. Ainsi la bourse « Brouillon d’un rêve » a permis la réalisation de plus de sept cents films documentaires. Et ce qui pour la Scam a toujours été une immense fierté, devient aujourd’hui, dans un monde audiovisuel où le divertissement fait loi et où la singularité du regard devient suspecte, une absolue nécessité.
C’est ce qui ressort d’une grande enquête que la Scam a réalisée auprès de plus de mille auteurs interrogés sur leur métier et sur leurs relations avec les producteurs et les diffuseurs (États des lieux du documentaire). Et, plutôt que d’écrire un édito traditionnel, j’ai décidé de vous livrer ici, pêle-mêle, quelques paroles d’auteurs qui témoignent, mieux que quiconque, de la violence qui nous est imposée.
Des paroles livrées sans formatage, sans censure, sans commentaire et en toute liberté.

« Filmer des gens, c’est la façon la plus forte de les rencontrer. J’ai vécu les plus beaux moments de ma vie en faisant des films {…} Mais je n’arrive plus à vivre de mon métier. »

« On fait toujours des choses passionnantes, mais comme en pirate, par la bande, et le dos au mur. »

« Je ne peux pas faire un film par an, puisque mes projets sont souvent refusés. J’ai perdu mes droits Assedic pendant deux ans. C’est un cauchemar. On ferait n’importe quoi. J’ai fait des ménages, la cuisine, j’ai loué une chambre de mon appartement, maintenant je fais surtout des traductions pour vivre. »

« J’arrive en fin de droits. Je n’ai pas assez travaillé. Et je n’ai aucun projet signé. C’est la première fois que cela m’arrive en quinze ans. J’ai des projets dans les tuyaux, mais si cela dure deux mois de plus, la situation va devenir critique. »

« En ce moment, je n’arrive plus à vivre de mon travail pour la première fois de ma vie. J’ai perdu le chômage. »

« Sur un film, par rapport au temps que je passe, je suis moins bien payé que tous les autres techniciens. »

« Les budgets sont tellement insuffisants que nous nous demandons comment nous arrivons encore à faire des films et à payer nos loyers. Plus que scandaleuse, la situation est intenable. »

« Temps d’écriture et d’enquête jamais payés, rémunérations avoisinant le smic, parfois inférieures, je travaille sans arrêt mais pour des clopinettes. Nous ne pouvons plus accepter d’être aussi mal payés. »

« On a encore des rêves. Beaucoup abandonnent après deux ou trois films. Ceux qui restent sont des obstinés, des durs… »

« La qualité des documentaires ne se maintient que grâce à l’abnégation, la détermination et la passion des réalisateurs. »

« En voulant divertir exclusivement, la télé s’est éloignée de son rôle premier : interpeller, éduquer, relayer le rôle civique de la création, permettre à des auteurs et des sensibilités diverses de s’exprimer. »

« C’est cela notre travail d’artistes, proposer un point de vue inédit sur le monde qui nous entoure… Avant on pouvait déranger, être impertinents, maintenant, on nous demande d’être lisses et je trouve cela très difficile. »

« Ce que je vois autour de moi, ce sont des diffuseurs qui croient tout savoir, ils ont la solution, ils ont la recette, disent comment monter une séquence, combien de temps doit durer un plan. Qu’est-ce qu’ils en savent ? Leur seule véritable expérience est la plupart du temps une expérience de spectateur, et encore. »

« Chercher à explorer des formes différentes, nouvelles, singulières, est considéré comme un geste scandaleusement élitiste. »

« Dans tout film, le documentaire compris, il faut toujours essayer d’aller au plus loin de l’implicite, avant de passer à l’explicite. »

« Le documentaire de qualité n’est pas un divertissement. Sa fonction est d’ouvrir les yeux, de révéler, de sensibiliser. {…} Pour les responsables d’aujourd’hui, les téléspectateurs sont devenus des clients, comme le sont devenus ceux de la Poste, ou de France Télécom. » « Maintenir la création, témoigner du monde, cela a une fonction sociale. La télé doit rester cette vitrine. »

« Personne ne cherche à repérer les talents, à encourager l’originalité, à soutenir les idées culottées, à défricher des terrains vierges. Une banalité de le dire, mais une grande violence de le vivre. »

« L’investissement des producteurs sur un projet de documentaire est très minimal. Ils ne cherchent pas d’argent, ils envoient le projet à quelques-uns de leurs partenaires habituels. Ca répond, tant mieux. Ca ne répond pas, on passe à autre chose et vite. On remercie l’auteur que l’on a pourtant sollicité auparavant, sans le rémunérer, bien évidemment. »

Cette année, lors de la journée Scam, vous pourrez découvrir quatre documentaires au regard singulier, réalisés « dos au mur », par des auteurs passionnés, obstinés et déterminés : Un étrange équipage de Boris Nicot ; Les Roses noires d’Hélène Milano ; Une escroc très discrète de Delphine Hallis ; Gagarinland de Vladimir Kozlov.
Vous pourrez aussi voir, en fin de journée, le montage réalisé par Jean Brard à partir des sept cents documentaires aidés par la Scam dans le cadre de « Brouillon d’un rêve » et fort pertinemment intitulé : Le Rêve et la Nécessité. Il s’agit d’un voyage subjectif à travers les extraits de vingt-neuf films qui nous disent, chacun à leur manière – souvent d’une sensibilité poignante ou bouleversante, parfois drôle aussi combien le monde serait insensé sans le documentaire pour le regarder.

Jean-Xavier de Lestrade, président de la Scam


Invités : Débats en présence des réalisateurs.