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Les États généraux du film documentaire 2008 Fragment d'une œuvre : Stephen Dwoskin

Fragment d'une œuvre : Stephen Dwoskin


D’origine russe, né à Brooklyn en 1939, installé à Londres, Stephen Dwoskin n’appartient à aucun bord. Atteint très tôt de poliomyélite, le cinéaste a compensé son handicap par une recherche constante de la forme en s’inspirant des expériences de James Joyce en littérature et de Steve Reich en musique. Chez lui, l’énergie créatrice surgit de la tension entre la paralysie de son corps et le mouvement cinématographique.
« Conçu pendant la guerre, j'ai été élevé par ma mère et mes tantes. Mes épouses, maîtresses, actrices, les infirmières à l'hôpital ont ensuite pris le relais. Ma relation avec l'extérieur s'est donc faite par les Femmes, l’unique sujet de mes premiers courts métrages. D’autres films traitent de sujets plus larges et plus documentaires (les Noirs, les danseurs, la douleur et la répulsion face à la douleur) ou adoptent un point de vue plus ironique (Outside-In). Enfin, le film de commande sur le photographe Bill Brandt, très novateur dans sa conception du nu féminin, m'a permis d'approfondir mon travail sur le clair-obscur (Shadows from Light).
Mais les films les plus poétiques initiés par Trying to Kiss the Moon, mon journal autobiographique, ont trouvé leur aboutissement dans l’usage de la vidéo ; Intoxicated by my Illness en est le point de départ. Un film dérangeant par sa façon d’approcher la mort, réalisé au moment où j’ai été hospitalisé dans un centre de soins intensifs en pneumologie. Le montage numérique me permet en effet d’établir un contraste entre le lyrisme de la bande son et la violence des images, ce qui produit un effet d’irréalité accru. En jouant aussi de l’étirement jusqu’à l’extrême du grain sonore et visuel, je me rapproche de l'acte de peindre qui fut ma première activité et celle de ma chère compagne Frances Turner, décédée en 2002. La vidéo est pour moi une résurrection, je ne pourrais plus m’en passer ni techniquement ni financièrement.
Bien sûr, de nombreux étudiants m’ont aidé lorsque j’enseignais au Royal College of Art à Londres. Certains de ces étudiants font partie des amis réunis dans Some Friends (Apart). En fait, ils n’étaient pas réellement là, d’où le terme « apart ». J’utilise des chutes de films (found footage) que j’ai tournés autrefois spontanément et que je remonte des années plus tard. De même pour Lost Dreams. Par exemple, le plan de Karen qui fume dans l’embrasure de la fenêtre, le corsage entrouvert, les lèvres généreuses, le visage inondé de soleil, le sourire éclatant ou incertain. Un moment de bonheur fugitif, à jamais perdu... Dans Some Friends (Apart) je voulais creuser la question de l’amitié. Qu’est-ce qu’un ami véritable ? C’est celui que vous avez peur de perdre au moment où il va mourir, selon Derrida. Je voulais approfondir le sens de la maladie. Dans mon livre de chevet, Intoxicated by my Illness d'Anatole Broyard, la maladie apparaît sous les traits d’une femme démente, quelque part en Chine. L’auteur explique que cette femme l’entraîne dans une liaison insensée et fatale. Pour moi, faire des films c’est éprouver cette même excitation devant la vie, quand bien même la mort rôderait autour, en ricanant. »

Propos recueillis par Maureen Loiret, Brixton, Londres.


Invités : Débats en présence de Maureen Loiret.