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Les États généraux du film documentaire 2007 Fragment d'une œuvre : Manoel de Oliveira

Fragment d'une œuvre : Manoel de Oliveira



Racines

Manoel de Oliveira naquit, grandit, vécut et vit encore à Porto. Cette donnée première est lourde de conséquences pour son œuvre. Car, nonobstant la dimension du Portugal – à peine un cinquième de la péninsule Ibérique – Lisbonne, capitale de l'« empire », lumineuse courtisane, a longtemps exercé et exerce toujours une attraction quasiment inéluctable sur tous les Portugais « provinciaux » qui nourrissent des ambitions dans la sphère artistique et, à plus forte raison, dans le domaine du cinéma.

Oliveira est né au début du siècle du cinéma dans une famille industrielle aisée du Nord-Ouest du pays et il a su, nul n'en doute plus aujourd'hui, faire le meilleur usage de ses privilèges de classe lorsque ébloui par le classique de Ruttmann, Berlin, symphonie d’une grande ville, il décida d'abandonner les rêves adolescents de jeune premier pour se lancer dans la réalisation de films.
On retrouve l’enracinement géographique et social de Manoel dans sa posture de cinéaste. D'une part, il ne prend comme sujets et ne s'attache qu'aux matières qu'il connaît, partant toujours de cet entendement particulier du monde qui est le sien : les aspects universels historiques, esthétiques ou éthiques de son œuvre ne se déploient jamais au détriment d'un regard personnel sur un réel personnel. D'autre part, la solitude, la longue traversée du désert et l’éloignement de la capitale (siège de la Cour et longtemps siège d'un pouvoir tyrannique) ont surdéterminé son indéfectible fidélité à l'égard de certains artistes du Nord, Régio et Agustina, pour ne citer que les plus connus.

S'il est sûr que la plupart des fictions d'Oliveira recèlent une forte critique de la classe bourgeoise, dans ses œuvres plus apparentées au genre documentaire, le cinéaste dévoile une attention aiguë aux problèmes du peuple. L'indépendance de Manoel, après 1974, a certes été renforcée par la différence d'âge et l'écart générationnel vis-à-vis des autres cinéastes en activité. Ces deux facteurs l'ont protégé des phénomènes de mode et lui ont permis d'interroger son temps, profitant de ce recul impliqué et de cette distance intime que Brecht a théorisés. Manoel assume sa mémoire et s'assume comme mémoire. La mémoire est son instrument de compréhension, éventuellement de comparaison du passé avec le présent. Aussi accepte-il de « restreindre » son discours à son média, ce qui ne l'empêche pas d’être l'un des cinéastes qui a le plus souvent et intensément interrogé les rapports de ce média aux autres formes d'expression et de représentation : cinéma et théâtre, cinéma et littérature, cinéma et peinture. Il questionne également la forme canonique du film de fiction par rapport à des formes délaissées ou inexpérimentées du cinéma lui-même. Cinéaste aux convictions ancrées dans un terreau instable qu'il laboure inlassablement depuis Douro Faina Fluvial, cinéaste résistant toujours prêt à affronter les réalités qui lui résistent, Manoel de Oliveira est un réalisateur du cinéma à venir.


Invités : Invités : Regina Guimarães et Saguenail (réalisateurs).

Remerciements à la Cinemateca Portuguesa et à l'Institut Jean Vigo, Perpignan.